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LE MAGASIN

PITTORESQUE.

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in 2010 witii funding from

University of Ottawa

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LE MAGASi:^

PITTORESQUE

PIBLIÉ SOIS LA DIRECTION DE

M. EDOUARD CflARTON.

DOUZIEME AiWÉE.

1844.

Prix du volume broché . . . . 5 fr, 50 cent, relié 7 fr.

CONDITIONS D'ABONNEMENT.

LIVRAISONS

ENVOYÉES SÉrABÉMEST TOCS LES SAMEDIS.

PAUIS. niiPARTEMENTS.

Prix: . Franco par ia poste.

Pour six. mois. 3 f. 8o c. Pour six mois. 4 f. 8o c.

PoiR l >■ AN . . 7 f. 5o C.|pOUfl UN AN , . 9 f . 5o C.

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ENVOYÉES RÉDNIES UNE FOIS PAR

PARIS.

DliPAUlEMt.NTS. prix: . Franco par in posff.

Pour six mois. 3 f. 6o c. Pour six mois. 3 f. (to c. Pour un an . . 5 f. 20 c.|Pour vu an . . 7 f. ao c.

PARIS,

AUX BUREAUX D'ABONNEMENT ET DE VENTE,

RUE JACOB, 30,

PnÈS DE t.A RCE DtS rETITSAUGUSTIXS.

MAGASIN PITTORESQUE

A DIX CENTIMES PAU LIVRAISON.

PREMIÈRE LIVRAISON.— 184 4.

MAGASIN PITTORESQUE,

pour eux. Les grandes personnes ne la voient plus que comme une vieillerie à charge , et si elle insinue encore quelque plaisir dans les bons cœurs , ce n'est que par la réminiscence, presque mélancolique, du jeune âge.

Les portes de l'année doivent-elles donc s'ouvrir ainsi sans joie et sans honneur ? N'est-il pas juste que partout les foyers fassent resplendir leurs plus brillants éclats, pour faire accueil à ces jours inconnus dont la série commence ? Essayons, en nous construisant une première journée tout heureuse, de donner modèle à celles qui sont destinées à prendre place à sa suite , et remplissons-la, chacun dans la situation Dieu nous a mis, des meilleurs sentiments qui puissent s'éveiller sous le toit de la fumilic.

C'était la coutume de nos aïeux. Le premier de l'an était pour eux la fête du temple domestique. Tout s'illu- minait à l'envi pour celte solennité. Le mobilier déployait ses apparats, le festin ses délicatesses, et la coupe, plus finement remplie , faisait rayonner les vertueuses gaietés. A quelque point de l'échelle sociale que fût attachée leur vie , assurés du suffisant , libres dans leur maison , souve- rains bienfaisants de leurs enfants, parés de tout le luxe de leur condition, l'époux et l'épouse, assis près l'un de l'autre au banquet , pouvaient se regarder comme portant sur leur tète une couronne plus vraie que celle des rois.

Les amis n'étaient point oubliés. On les avait vus, on les avait comblés d'effusions, on avait resserré par de nou- velles étreintes ces bénissables nœuds. Les cadeaux, mo- destes représentants des personnes absentes, s'étaient ai- mablement échangés. La jouissance causée par tant de per- sonnes aimées, devenue plus vive dans les cœurs, on portait maintenant leur santé en les confiant à Dieu avec espoir, et les âmes, déjà si heureuses dans la contemplation du cercle Intérieur, s'élan(;ant au dehors à chaque invocation d'un nom d'ami , savouraient avec ivresse ce surplus d'attache- ments , doux et volontaire prolongement des joies de la fa- mille.

Malheur, en effet , à qui ne sent pas que le fond de toute fête est dans le cœur! à qui s'imagine pouvoir tirer réjouissance de la satisfaction de ses appétits sensuels I à qui se complaît en soi, sans chercher à verser son bon- heur dans les autres, pour y puiser par un affectueux partage celui dont ils sont eux-mêmes remplis. L'infortuné , son bonheur s'éteint dans la matérialité et l'égoïsme. Fùt-il roi, son âme est sans couronne; fùt-il riche, son âme est pauvre; fût-il père, son anie est seule. Tristement enveloppé dans les haillons du corps, il dort dans la nuit, à la porte de son propre palais, car son âme n'y entre pas.

Saluons donc avec piété la carrière nouvelle dans la- quelle le temps vient de nous introduire. Oublions un in- stant nos peines, pour ne tenir compte que des biens dont Dieu nous a fait don et de ceux que nous osons attendre encore de sa munificence. Ranimons toutes nos vertus, ren- forçons tous nos bons sentiments, illuminons gaiement tout ce qu'il y a d'heureux et de llorissant en nous et autour de nous. Que celte fleur de contentement soit notre hommage à l'année qui se présente , et qu'elle nous mérite ses sou- rires !

VOYAGE SCIENTIFIQUE D'UN IGNOHANT

AUTOUR DE SA CUAMBRE. ( Premier Article. )

Nous avons tous suivi M. de Maistre dans son charmant pèlerinage autour de sa chambre ; nous nous sommes brûlé les doigts avec lui , pendant que Vautre voyageait là-haut ; et personne de nous qui, en fermant le livre et en quittant cet aimable compagnon do route , ne lui ait dit : A revoir. C'est qu'en effet , ces gracieuses pages sont dans leur petit cadre tout un portrait du moment de transition files sont

nées ; mélange piquant de scepticisme et de sensibilité , der- nier rellel de la grâce française , on y sent l'homme qui a vu Voltaire et qui entrevoit Chateaubriand ; il appartient au passé par le badinage , et à l'avenir par la rêverie. Com- ment donc alors, dira-t-on , oser recommencer ce voyage qui ne date que d'hier? Parce qu'il date d'hier, Dix ans ne sont qu'un jour dans la vie des peuples ; et ce qu'on voit dans une chambre varie tous les dix ans. S'il est vrai que le même homme , après un lustre écoulé , n'y regarde plus les mômes choses, qu'est-ce donc pour les générations qui se remplacent? Semblables aux plantes diverses qui pompent dans la terre des sucs différents, les générations successives tirent de tous les -spectacles qui les entourent des plaisirs et des enseignements nouveaux. Nos pères cherchaient-ils dans le ciel ce que nous y admirons? ^L de Maistre aime , dans son cher réduit, l'asile de tous ses souvenirs de jeune homme : c'est qu'il lit les lettr£s de madame du Uauicasiel ; c'est qu'il pense à ce tertre dont le nom seul forme un cha- pitre; c'est de là, enfin, qu'il part avec les poètes pour le monde idéal. Son Voyage autour de sa chambre n'est qu'un aimable prétexte pour en sortir; nous, au contraire, nous nous y concentrerons, nous l'étudierons seule , et peut-être y trouverons-nous plus que nous ne le pensons. La poésie ne sera pas exclue du voyage , car la vérité sera notre guide; et quelle poésie aussi magnifique que celle des faits? Les plus beaux rêves de l'imagination se ternissent devant les richesses de la réalité,... c'est l'homme qui fait les rêves, et c'est Dieu qui fait les choses : nous chercherons , et nous verrons par- tout dans notre pèlerinage , la bonté providentielle de l'un , et les puissants efforts de l'autre , heureux si nous bénissons plus encore le Créateur, et si nous sympathisons plus avec la créature après avoir parcouru ce petit monde que l'on appelle une chambre.

Et d'abord , il faut raconter comment nous est venue cette pensée de découverte ; la cause du départ explique souvent tout le voyage.

J'étais assis au coin du feu ; mon fils , qui a cinq ans, jouait à côté de moi, et je lisais attentivement la curieuse et pé- nible relation d'une excursion en Chine , quand l'enfant me tira par le bras, et me dit : Mon père, pourquoi. .. Laisse-moi. Pourquoi en soufflant le... Laisse moi donc, lui dis-je. Mais lui , avec cette providentielle obstination des enfants : Pourquoi, en soufflant le feu avec un soufflet , l'allume-t-on? Réponds-moi, père , dis-le-moi... .te n'en sais rien , repris-je avec une sorte d'impatience, et en le re- poussant. Il s'éloigna, chagrin, el je me remis à ma lecture. Mais j'étais distrait ; mon attention , détournée un moment , ne pouvait se reprendre au fil du récit , el malgré moi , sur ces pages , au milieu des noms étranges de ces contrées lointaines , je voyais les yeux interrogatifs de l'enfant , et sa mine avidement curieuse. Bientôt donc les rivages de la Chine s'éloignèrent de moi sans que je m'en aperçusse , et , ma pensée dérivant, je me inis à réfléchir à cet admirable pourquoi qui fait le fonds du langage de l'enfance. Quel esprit d'investigation ! me disai.s-je. Comme tout les frappe dans ce monde nouveau pour eux 1 il y avait une peine réelle sur sa petite figure, quand je l'ai repoussé. Et en effet, comment ai-jc pu le repousser? N'est-ce pas une faute , plus qu'une faute , d'amortir ainsi cette ardeur qui est comme la faim el la soif de l'intelligence? N'est-ce pas en quelque sorte leur fermer les yeux? Toujours écartés, il perdent l'habitude de voir, les objets eux-mêmes n'ont plus pour eux leur signification, et nous plongeons dans la nuit ceu.^ que nous sommes chargés d'éclairer. Mes réflexions de- venaient des remords. «Ainsi, loul-à-l'heure, pourquoi avoir refusé de lui répondre! pourquoi, lorsqu'il me de- mandait cette explication , lui avoir dit :... Je ne sais pas. » A peine avais-je achevé ce mot , que je m'arrêtai , frappé d'un coup subit : Pourquoi je lui ai dit, je ne sais pas, reprisrje avir lenteur?... par une rais<Mi bien impérieuse,

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bien piiissanle, bien houleuse,." c'est que... je ne le sais pas !

Le livre me tomba des mains ; mon ignorance ra'appa- raissait pour la première fois dans toute sa force , et comme en lombanl, mon livre s'était ouvert à la première page, je lus sur le titre ; Voyages dans l'Inde et dans la Chine. Voilà qui est bien étrange, p«nsai-je; je me fatigue à apprendre ce qui se passe en Chiue , et je ne sais pas pour- quoi ce soufflet, dont je me sers à tout moment, allume le feu qui me chauffe tous les jours ! Que dis-je , ce soufflet ? Mais ce clou qui le supporte, comment le forge- t-on ? Mais ce mur, est attaché ce clou; mais ce papier peint qui recouvre ce mur, d'où viennent-ils? Conunent la flamme est-elle lenfermée dans cette lampe? Comment cette che- minée divise-t-elle la fumée et la chaleur, nous donnant l'une et emportant l'autre? Et ces vitres , sans lesquelles je serais dans la nuit? lit cette pendule qui semble la voix du temps lui-même, qui me dit , Lève-toi , couche-loi , tra- vaille; qui double la vie en réglant les occupations, comment se fait-elle î On m'a donné une clef, et on m'a dit montez- la , je la monte ; mais par quel mystère cette clef que je tourne la fait-elle mouvoir? Et cette porcelaine que l'on façonne en vases pour recevoir des fleurs , en assiettes pour servir aux repas, et ce livre je lis. et ce papier j'é- cris, qui les fabrique? Comment? Où? Depuis quand?... Les questions abondaient , les pourquoi se multipliaient ; je voyais pour ainsi dire chaque objet s'animer sous mes re- gards, et m'interroger; tous ces mystères au milieu des- quels j'avais vécu sans les comprendre ni les sonder , et qui se révélaient à moi , m'accablaient sous cci éternel Je ne sais pas, mon unique et honteuse réponse. Mais en même temps, à ce sentiment d'humiliation, se joignait en moi une pensée fortifiante et joyeuse ; à mesure que je m'amoin- drissais à mes propres yeux, celte chambre s'agrandissait, et avec elle , l'espèce qui l'a construite. Honteux comme étant moi , mais fier comme étant homme , je me sentais peu à peu me relever, en considérant cette demeure. Quelles richesses que ces mystères ! Quelles conquêtes que ces ri- chesses! Quelle preuve du génie humain ! Une vaste salle toute tapissée de drapeaux conquis renferme moins de té- moignages de triomphe , car des drapeaux ne manifestent que la défaite d'èlres faibles comme nous; mais ici, c'est la toute-puissante nature qui est vaincue , plus que vaincue , asservie, et contrainte à servir. Ces ferrements, nous les avons arrachés à ses entrailles ; ce gaz , nous l'avons dérobé à ses produclions ; cette eau , nous l'avons forcée à jaillir de ses profondeurs. Quel grand spectacle qu'une chaoïibre ! mieux sentir l'humanilé , hélas ! et mieux la plaindre qu'au sein de ces murailles qui protègent mon travail, et qui en ont tant coûté ; qui abrilent mes douleurs, et qui eu ont tant causé ; qui réunissent ma famille , et qui laissent peu<- être sans abri les enfants de celui qui les a construites; et qui, enfin, rassemblant autour de moi dans un rayon de quelques pieds toutes les puissances dont j'ai besoin pour vivre, me rappellent en même temps les mille indigences de ceux à qui lout manque pour cxisler... Ah ! laissons, laissons nos ambitieuses courses ù travers les Indes et le Nouveau-Monde; cette chambre, voilà mon univers, car lout l'univers y aboutit : je veux la parcourir, l'étudier, non tout entière, car aucune existence humaine n'y suffirait , mais en admirer et en décrire les principales merveilles. Et loi , cher interrogateur, toi dont l'obsliiié Pourquoi m'a jeié dans ce mouvement d'idées, viens avec moi, écoute, regarde, interroge , instruis-toi, inlruis-moi. Chers en- fants, nous nous aimons d'une alTcction bien profonde, et cependant nous ne savons pas tout ce que vous êtes pour nous ; non seulement Dieu nous a donné eu vous des sources inépuisables de bonheur, et des mobiles vivants de courage et de vertu, mais encore vous nous servez de maîtres; vos questions ingénues ouvrent nos yeux ; le besoin de vous

iustruire nous force à apprendre ou à réapprendre , et nous vous devons tout , même ce que nous vous donnons. La suite à une prochaine livraison.

LE TABLEAU DE CÉBÈS.

Cébès fut l'un des disciples de Socrate. 11 figure parmi les interlocuteurs du plus beau dialogue de Platon , le Phédon (voy. 1860, p. 3ù5). Fidèle aux doctrines morales de son maîlre, il voulut les propager par l'exemple de ses vertus et par ses écrits. On croit qu'il a composé trois dialogues; un seul est parvenu jusqu'à nous : on le désigne sous le litre de Tableau de Cébès., et on le trouve ordinairement imprimé à la suite des Manuels d'Epictète. C'est une peinture allé- gorique de la vie humaine. Cébès suppose que des étran- gers , visitant le temple de Saturne , s'arrêtent au vestibule devant un tableau représentant une foule de personnages qui s'agitent en sens divers au milieu de trois vastes en- ceintes. Tandis qu'ils cherchent à comprendre le sujet de cette peinture mystérieuse, un vieillard consacré au service du temple s'approche d'eux et leur en donne l'explication.

Plusieurs artistes modernes , entre autres Homain de llooge et Merlan, ont essayé de retracer à l'aide du dessin le tableau décrit par le vieillard. Nous avons choisi la compo- sition de Mérian , qui nous a paru la plus satisfaisante. Nous y joignons un extrait du discours du vieillard et ses réponses aux questions des étrangers. Quoique le goût des allégories ne soit plus guère de noire temps, nous avons pensé qu'on ne relirait pas sans intérêt et même sans quel- que profit cette fiction ingénieuse de Cébès, respirent l'esprit élevé de Socrate et la pureté de la morale platoni- cienne.

... Sachez, dit le vieillard aux étrangers, en levant sa baguette et l'étendant sur le tableau, sachez que cette enceinte qui s'offre à vos regards s'appelle la Vie, et que celle multitude nombreuse qui se tient à la porte sont ceux qui doivent y entrer. Ce vieillard plus élevé, qui d'une main tient un papier et de lauirc semble montrer quelque chose, se nomme le Génie. Il instruit ceux qui entrent de la con- duite qu'ils doivent tenir après être venus à la 'Pie, et de la route qu'ils doivent suivre s'ils veulent n'y pas périr.

Quelle route leur prescrit-il ?

Voyez-vous , auprès de la porte par laquelle entre la mullitudc, un trône sur lequel est assise une femme au vi- sage composé, à l'aii- persuasif, et qui tient une coupe dans sa main ?

Je la vois; mais quel est son nom?

C'est l'Imposture, qui séduit tous les hommes, et enivre de son breuvage magique ceux qui entrent dans la vie.

Quelle est celte liqueur ?

L'erreur et l'ignorance. Après en avoir bu, ils entrent dans l'enceinte.

"t Tous boivenl-iis de ce breuvage d'erreur? ' Tous en prennent , mais les uns plus cl les autres moins. Voyez-vous ensuite, à l'entrée de la porte, une mul- titude de femmes qui , quoique dilTérenlcs entre elles, res- semblent toutes à des courlisanes?

Oui , je les aperçois.

On les nomme Opinions, Passions, Voluptés. .\ mesure que la foule entre, elles s'élanceut sur chaque passant, l'em- brassent et l'emmènent.

les conduisent-elles ?

Les unes au salut, les autres à la perte, enivrés (ju'ils sont (lu breuvage de l'Imposture.

Dieux 1 quelle funeste liqueur !

Chacune leur promet de les conduire à la source de tous les biens, et de les faire ariiver au bonheur et à la for- tune. Ces malheureux , par une suilc de l'erreur et de l'i- gnorance (|u'ils ont bue dans la coupe de l'Imposture , ne

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peuvent trouver les Térilablcs routes à suivre dans la vie, mais errent à l'aventure. Voyez-vous encore comme les premiers entrtSs conforment leurs di^raarclies irrcgulières aux caprices de ces femmes?

Je le vois; mais quelle est celte autre, qui parait aveugle, dans le délire, et placée sur un globe de pierre?

On la nomme fortune. Elle n'est pas seulement aveugle, mais sourde et insensée.

Quelle est son occupation?

D'errer de tous côtés, de dépouiller les uns de ce qu'ils ont pour en enrichir d'autres, et bientôt après de retirer ses dons à ces derniers pour en favoriser de nouveaux avec aussi peu de discernement et de solidité. Aussi le symbole qui l'accompagne caractérise-t-il parfaitement sa nature.

Quel est ce symbole?

Ce globe sur lequel elle est placés.

Eb bien ! quel en est le sens ?

Que ses dons ne sont ni stables ni assures ; car lors- qu'on met en elle sa confiance, les chutes sont considérables et dangereuses.

Mais que veut celle foule innombrable qui l'environne, et comment l'appelle-l-oM ?

On l'appelle la Iroupe des Inconsidérés. Chacun d'eux demande les biens qu'elle jette au hasard.

Pourquoi donc n'oiit-ils pas tous le même >isage? Pourquoi les uns paraissent-ils livrés aux transports de la joie, tandis que les autres tiennent leurs mains étendues, dans l'excès de leur désespoir ?

Ceux dont l'air e>t joyeux et riant sont ceux qui eu ont reçu quelques dons : aussi l'appellent-ils bonne Fur- tune. Ces autres, qui versent des birnies et lui tendent des mains suppliantes, sont ceux à qui elle a ravi ses premières fiveurs : ceux-là rappellent mauvaise Fortune.

De quelle natuie sont donc ces largesses, puisqu'elles causent tant de joie à ceux qui les reçoivent, et fout vcr^er tant de pleurs à ceux qui les perdent?

C'est ce que le coniinuri des hommes regarde comme des biens.

Quels sont ces biens?

Les richesses, la gloire, la noblesse, les enfants, les rommandcmenls, les couronnes, elles autres possessions semblables.

Ces choses ne méritent-elles pas le nom de biens?

C'est une question que nous pourrons agiter dans toute autre circonstance. Pour le présent, soyons attentifs à l'ex- plication de l'allégorie.

J'y consens.

Après avoir passé celte porte , voyez-vous une autre enceinte, et dehors, des femmes parées?

Oui.

Elles se nomment, l'une, l'Inlenipérancc ; l'autre, la Volupté; les deux dernières, l'Avarice et la Flatlerie.

Pourquoi se tiennent-elles en cet endroit?

Elles observent ceux qui ont reçu quelque chose de la Fortune.

Ensuite, que font-elles.

Alors elles sautent de joie, les embrassent, les llal- ;ont, les pressent de demeurer avec elles; leur promettent luie vie douce , exempte de peine et d'aflliclion. Si quel- (iu'un , séduit par ces enchanteresses, se déclare pour le paisir, ce genre de vie lui parait tout d'abord délicieux ; mais ces délices n'ont point de réalité. Au contraire, dès ipi'il sort de sou ivresse, il s'aperçoit qu'il a cru faire l.iinne chère , mais que ses biens et sa personne ont été en proie aux déprédations et aux outrages. Ainsi, après avoir dissipé lout ce qu'il avait reçtr de la Kortune, il est ( bllgé d'obéir en esclave à ces femmes, de tout endurer, de mener la conduite la plus indigne, et de se livrer, pour leur complaire, aux plus giands excès; par exemple, de levenir frauduleux , sacrilège, parjure, trailrc, brigand, et

de réunir tous les vices. Et lorsqu'une fois il a épuisé tous les crimes, on le livre à la Peine.

Quelle est elle?

Voyez-vous , derrière ces sortes de gens , une espè'-c de sortpirail , et un cachot étroit et ténébreux? Celle qui tient un fortet se nomme la Peine ; celle qui baisse la tète sur les genoux est la Tristesse ; celle qui s'arrache les cheveux est la Douleur.

Quels sont ces deux autres qu'on voit auprès d'elles , nus, hideux, difformes et décharnés?

Ij'un s'appelle le Deuil, et son frère le Désespoir. C'est donc à ces bourreaux que le malheureux est livré , pour vivre auprès d'eux dans de continuels tourments. Ensuite ort le jette dans un autre cachot , celui du Malheur, ofi il passe le reste de sa vie en proie à toutes sortes de maux , à moins qu'il n'ait le bonheur de rencontrer le Hepentir-,

Alor-s qu'arrive-til?

Si le r.cpcntir vient à le rencontrer, il le délivre de ce cruel esclavage, et, lui inspirant de nouveaux désirs, de nouvelles opinions, il lui donne le choix de deux routes, dont l'une doit le conduire à la véritable instruction, et l'autre à la fausse. S'il choisit la meilleure, au terme de son voyage il est purifié, arraché aux dangers qrri le menaçaient, et il passe le reste de sa vie dans le sein du bonheur, à l'abri de toute disgrâce ; sinon, la fausse Instruction l'engage dans des routes d'erreur.

Grand Jupiter, que ce danger est terrible ! Et la fausse Instruction , ot'r est- elle?

Vo\ ez-vous cette autre enceinte , et à l'entrée du ves- tibule celle femme parée avec tant d'art et de propreté ? La multitude et les hommes légers l'appellent instruction, mais c'est un nom qu'elle ne mérite pas. Tous ceux qui doivent être' préservés sont obligés de passer ici avant de parvenir au séjour de la véritable Instrttction.

Est-ce qu'il n'y a pas d'autre chemin qui y conduise ?

Oui, il y en a d'autres.

Qui sont ceux que l'on voit se promener dans l'inté- rieur de l'enceinte?

Ce sont les adorateurs de la fausse Instruction , qui , séduits par elle, croient vivre avec la véritable.

Comincnt les appelez-vous ?

Poêles, orateurs, dialecticiens, musiciens, arithméti- ciens, géonrètres, astrologues, épicuriens, péripaléticicns, critiques, et autres qui leur ressemblent.

Et ces femmes qui paraissent courir de côté et d'autre, et ressemblent arrx prenrières, du nombre desquelles étaient l'Inlempératrce et ses compagnes, quelles sont-elles ?

Ce sont les mêmes.

Comment ? entrent-elles aus<i dans cette enceinte ?

Oui certes, mais plus rarement que dans la première.

Les Opinions aussi?

Assurément : l'Ignorance et la Folie font aussi partie de cette troupe. Ceux que je ^ous ai nommés ressentent encore 1rs effets du breuvage funeste que leur a préscnlé l'Imposture. Ils ne peuvent être délivrés du joug de l'Opi- nion et des autres vices qu'ils n'aient abandonné leur fausse déesse, srrivi la véritable roule, pris irne liqueur salutaire capable de les purifier, et banni l'Opinion, l'Ignorance, et tous les \ices qui le» assiègent. C'est alors que leur délr- viance est assurée. Mais_tant qu'ils demeureront arrprès de la fausse Instruction , leur esclavage durera toujours , et leurs connai'sances seront pour eux la source de mille maux.

Quelle route mène donc à la véritable Instruction?

Voyez-vous cet endroit élevé qui paraît inhabité, dé- sert ; celle porte étroite, et devant la porte un sentier peu fiéqirenlé, qui semble escarpé, raboteux, impraticable? s'élève nire hauteur d'un accès difUcilc , et environnée de tous côtés d'alTrerrx luécipiccs. > oilà le chemin qui y conduit.

MAGASi:^ PITTORESQUE.

( Tableau de la Vie, dessiné par Mcriaii , li'apic» le Dialo|;uf île Ci Ir.s. )

I . les £nranls à l'iiilrcc

de la vie. a. Le Génie. 3. I.'Iin-

pusliire (la.S(-<ltii-lii)ii. ) 4, 5. Porle de la i" iii-

ceinle. Les Opinions ,

1rs Dcsii-s , les Passions, fi. La l'orlnne. 7, 8. L'InIcmpcrancc, la

Voluplc, IWvaiice cl la

llaltciie. ' . Les Tri mes. 10. La Peine (NeniOvi.;.

11. La 'IrisUsse.

12. La Douleur. i3 Le Deuil.

4 Le Desespoir. i5, i6. I.eCbâlimcnljla Prison.

17. Le Repentir.

18. L'Opinion.

19. Le Désir.

10. La fausselnslruclion. Porte de la enceinte.

i I , s 2 , 9. 1 . Poètes, Ora- teurs, Dialcclicicns.

7.4. Musiciens.

25, 2G, 2-. Mathémati- ciens , Astronomes, As- trologues.

2S, 2g, în. Epicuriens, Péripatéliciens , rrili(|.

3 I . L'Iulempérauce.

32. LesOpinionî, rij;uo- i-ance et la Folie.

33, 34 , 35. Avenue et sentier de la vniie In- slruciiou. 3* enceinte.

36. I.a Modération , la

Conlinence. 3;. La Patience, le Cou- ra;;e, la Foi.

38. Le séjour des Pien- lirureux (pat. du Salut).

39. L'IusIruclion. 41). La Persuasion. 4 I. La Vérité.

42. LeViiyagcur purifié.

43, 44. Fntréed» sane- t uaire de la Science, cor- lépe des Vertus.

45. la lélirilé.

40. Vovagcur couronne p.Tr la Félicité.

47. Ij Science, la Jus- tice, rinlé;;rité , la Li- berté, la Douceur, cle.

48. Kclour du Voyageur couronne.

49. 5o. Voyageurs cpii n*onl pas eu le courage de parvenir jusqu'au sonmiet. Ils sont suivis de rignorance , la Dou- leur et la Trisles'e.

MAGASIN PITTORESQUE.

Il semble en cITet bien rude au seul aspect.

Auprès de la hauteur est un rocher (ilevé, escarpé de tous côtés , duquel deux femmes robustes et vigoureuses tendent les bras d'un air d'empressement.

Je les aperçois; mais quel est leur nom?

L'une s'appelle la .Modération, l'autre la Patience ; ce sont deux sœurs.

Pourquoi tendent-elles les mains avec cet air d'ctn- pressement ?

Pour exhorter les voyageurs parvenus jusque à g'ar- mer de courage , à ne pas s'abandonner à un lâche déses- poir. Elles leur disent qu'après quelques ellorts ils vont trouver une route agréable.

Mais quand ils sont arrivés au pied du rocher, com- ment peuvent-ils y monter? car je ne vois pas de sentier qui conduise au sommet.

Les deux nymphes en descendent, et les tirent à elles. Ensuite elles leur disent de respirer, et bientôt après leur donnent la force et la conhance, leur proineltent de les con- duire ù la véritable Instruction , et leur montrent combien la route est belle , aplanie , sans obstacles et sans dangers. Voyez-vous encore devant ce bois une prairie charmante, éclairée par un jour pur et brillant ; puis, au milieu de cette prairie, une autre enceinte et une autre porte?

Oui ; mais comment nomme-t-on ces lieux ?

Le séjour des Bienheureux; car c'est lu qu'habitent toutes les Vertus et le Bonheur.

Que ce séjour est digne d'envie !

Auprès de la porte, vous apercevez une belle femme , pleine d'une modeste assurance, sur le déclin de l'âge mûr, simple dans son extérieur et sans aucune parure emprun- tée. Elle est placée , non pas sur un globe , mais sur une pierre carrée et immobile. A crtté d'elle sont deux autres fem- mes qui paraissent être ses filles. Cette déesse est l'Instruc- tion, et ses deux compas^nes, la Vérité et la Persuasion.

Pourquoi est-elle placée sur une base carrée?

C'est pour montrer aux voyageurs que la route qui conduit à elle est sûre et solide, et que la possession de ses dons est assurée.

Quels sont ces dons?

La confiance et une sécurité inaltérable.

Quelle est leur utilité ?

La persuasion intimé et fondée qu'on n'éprouvera plus aucun mal dans le cours de la vie.

Dieux! quels dons magnifiques! Mais pourquoi se tient-elle hors de l'enceinte ?

Pour guérir ses hôtes , et leur présenter Un breuvage salutaire. Lorsqu'un voyageur est parvenu jusqu'à l'In- struction , elle le guérit, et lui présente la liqueur qui doit le purifier de tous les vices qu'il a amenés avec lui.

Quels sont ces vices?

L'ignorance et l'erreur bues dans la coupe de l'Impos- ture, l'orgueil, la cupidité, l'intempérance, la colère, l'ava- rice , et tous les autres vices auxquels il s'est livré dans la première enceinte.

Lorsqu'il est purifié , l'envoie-t-on?

On l'introduit dans le séjour de la Science et des autres vertus. Voyez -vous sur la porte cette troupe de femmes belles, modestes, sans parure et sans art? La pre- mière s'appelle la Science ; les autres, qui sont ses sœurs, la Force, la Justice, l'Intégrité, la Tempérance, la Modéra- tion, la Liberté, la Continence et la Mouceur.

Qu'elles sont belles ! que nos espérances sont bril- lantes !

Oui, si vous comprenez et mettez en pratique ce que vous aurez entendu.

Comptez que nous y donnerons tous nos soins.

Votre bonheur en dépend.

Après que les vertus ont pris notre voyageur, le conduisent-elles?

A la Félicité , leur mère. Voyez-vous cette route qui conduit à une élévation qui commande toutes les enceintes. A l'entrée du vestibule est une femme d'un âge l'ait, d'une beauté touchante, sans luxe, parée des mains de la décence, assise sur un trône élevé, et couronnée d'une guirlande de fleurs. C'est elle qu'on nomme la Félicité.

Mais que fait-elle à celui qui parvient à son trône?

Elle et toutes les vertus ses compagnes le couronnent de leurs dons, comme un généreux athlète sorti vainqueur des plus grands combats.

Et quels ennemis a-t-il donc vaincus?

Les plus dangereux de tous , je veux dire les monstres cruels qui le dévoraieut, le tourmentaient, et le faisaient gémir dans le plus rude esclavage ; voilà les ennemis dont il a triomphé, qu'il a terrassés. Il s'est rendu à la liberté, et maintenant ces monstres, naguère ses tyrans, sont devenus ses esclaves.

De quels monstres parlez-vous? Je brûle d'envie de les connaître.

D'abord l'Ignorance et l'Erreur ; ne les regardez-vous pas comme des monstres?

Et comme des monstres cruels.

Ensuite la Douleur, le Deuil, l'.Avarice, l'Intempé- rance et tous les vices. Il leur commande en maître, et n'est plus leur esclave.

Quels brillants exploits! quelle belle victoire! .Mais, dites-moi, quelle est la vertu de la guirlande dont le vain- queur est couronné?

D'assurer le bonheur. En effet, celui qui porte cette couronne jouit d'une félicité pure et solide ; il ne l'attend pas des autres , il la trouve dans son propre cœur.

Triomphe éclatant et bien digne d'envie ! Mais après avoir été couronné, que fait-il? va-t-il?

Les vertus le ramènent au point d'où il était parti , et de lui montrent les autres mortels , leurs écarts , leurs vices et le malheur de leur vie, leurs naufrages, et comment ils sont menés en triomphe par leurs cunemis , les ims par l'Intempérance, les autres par la Vanité, ceux-ci par l'Ava- rice, ceux-là par la vaine Gloire, tous par quelque vice sem- blable. Ils ne peuvent briser les chaînes pesantes qui les accablent pour se réfugier dans cet heureux séjour, mais toute leur vie est en proie au trouble et à l'agiialion. Ces malheurs leur sont arrivés parce qu'ils ont perdu de vue les instructions du génie , et ne peuvent plus trouver la route qui conduit au bonheur.

Vous avez raison ; mais je voudrais savoir pourquoi les vertus montrent à notre voyageur les lieux par il a passé d'abord.

Il ne comprenait, il ne voyait clairement rien de ce qui s'y passait. Dans un état de doute et d'incertitude , aveuglé par les vapeurs de l'ignoraucc et de l'Erreur, il prenait pour bon ce qui ne l'était pas , et poiu- mauvais ce qui était bon : aussi vivait-il comme le reste de ceux qui liabilent ces lieux. .Maintenant qu'il possède la science des choses utiles , il mène une vie sage , et contemple d'un œil de compassion les erreurs des autres mortels.

Après avoir contemplé tous ces objets, que fait-il? dirige-t-il ses pas?

Partout bon lui semble : partout il est en sûreté , comme Jupiter dans l'antre du mont Dictys. De quelque côté qu'il aille, il sera vertueux et à l'abri de tout danger. Partout il se verra fêté , accueilli , comme un médecin de ses malades.

N'a-t-il plus rien à craindre de ces femmes, que vous traitiez de monstres cruels ?

Non, il ne craint rien de leur part. Il ne sera plus tourmenté par la Douleur, par la Tristesse, par l'Iutenipé- rauce, par l'.V varice, par la Pauvreté , cnlin par quelques maux que ce soit. Autrefois leur esclave, il est devenu leur maître ; elles respectent aujourd'hui sa supériorité.

MAGASIN PITTORESQUE.

Fort bien; mais dites-moi qui sont ceux que l'on voit descendre de l<i hauteur. Les uns ont la tète ceinte de guir- landes, l'air riant et serein ; les autres , sans couronne, ont tous les traits du désespoir : leur tète courbée et leurs ge- noux qui fléchissent annoncent leur épuisement, et ils sem- blent tenus par des femmes.

Ceux qui portent des couronnes sont arrivés heureu- sement jusqu'à l'Instruction; ils témoignent leur joie d'avoir reçu d'elle un favorable . 'Ci'.f'il. Des autres que vous voyez sans couronnes , les uns on; été durement conduits par la déesse, et se retirent toujours- soumis à l'empire du vice et dn malheur: les autres, à qui la lâcheté a fait perdie cou- r,-ge, après être parvenus jusqu'à la Patience, retournent sur leurs pas, puis errent à l'aventure sans tenir de route certaine. Les femmes qui les suivent sont la Douleur, la Tristesse, l'Ignominie et l'Ignorance.

C'est donc de tous les maux que vous formez leur cor- tège?

Assurément. Pour ces derniers, après être entrés dans la première enceinte, auprès de la Volupté et de l'Inlem- pérance, ils ne s'en prennent pas ù eux-mêmes, mais dès ce moment se répandent en invectives contre l'Instruction et ceux qui dirigent leurs pas vers elle. Ils les regardent comme des malheureux, des infortunés qui abandonnent une vie douce pour en choisir une dure et pénible , et se priver des biens dont ils jouissent eux-mêmes.

Comment nommez-vous ces autres femmes qui , d'un air de gaieté , viennent du séjour de l'Inslruction ?

On les nomme Opinions. Elles viennent d'y conduire ceux qui sont entrés dans le sanctuaire des vertus , et re- viennent en prendre d'autres, pour leur annoncer que les premiers jouissent déjà du bonheur.

Sont-elles introduites aussi auprès des vertus?

Non ; il n'est pas permis à l'opinion de pénétrer dans le séjour de la science. Elle se contente de remettre les voyageurs à l'Instruction , et quand celle-ci les a reçus , elle retourne sur ses pas pour en amener d'autres , comme les vaisseaux déchargés de leurs marchandises reparlent pour en aller chercher de nouvelles.

Mars vous ne nous avez pas encore dit ce que le génie recommande à ceux qui entrent dans la vie.

D'avoir bon courage...

Le vieillard continue , et donne aux étrangers d'excel- lents avis sur l'estime et l'usage que l'on doit faire des biens de la fortune ; mais ces préceptes ne se rapportent plus qu'indirectement au tableau , et , malgré leur sagesse , n'ont rien que l'on ne retrouve avec avantage dans la morale du christianisme.

ALGÉRIE. ( Voy. les Tables des années précédentes. )

Cran, capitale de la province de ce nom en Algérie, est bâti sur le bord de la mer, à l'est du pic Mcrdjadjo ou Samte-Croix, dont les sommets -sont couronnés par un fort et par un santon ou goubba (dôme, marabout) arabe. Un ruisseau {Uued-el-Rahhi , rivière des Moulins) sépare la ville en deux partie» : sur la rive gauche , la Vieille-Ville , la ville espagnole , assise entre le ruisseau et les pentes abruptes du Merdjadjo ; sur la rive droite , la Ville-Neuve, la viUe arabe , qui , assise sur un plateau dominant le ravin , se continue à l'est et au sud, et forme la plaine d'Oran.

L'Oaed-el-Rahhi a sa source apparente à mille mètres de son embouchure, au milieu d'une gorge étroite, dont les flancs escarpes sont composés de calcaires de nouvelle for- mation et riches en fossiles. Malgré un cours si peu étend»,

son volume d'eau est assez considérable pour suffire aux besoins d'une population de 30 000 âmes, et sa pente assez rapide pour faire tourner un grand nombre de moulins A l'origine de la source , au Uas-el-Aïn ( tête du ravin ), on a construit, depuis l'occupation française , un petit monu- ment qui sert de corps-de-garde , et d'où parlent deux ca- naux conduisant les eaux aux diverses foniaiiies des deux villes : ce qui lui a fait donner le nom de Cliàiean-d'Eau.

La Vieille-Ville comprend trois quartiers s-.'parés les uns des autres par des remparts : la Marine, la Planza, la Vieille- Ka.sbab.

Le quartier de la Marine, avant 1832, était peu considé- rable. Une douane, une manutention , un immense moulin à sept tournants, des hangars pour les fourrages de l'armée, des ateliers pour la marine et l'arlillcrie, y ont été construits par l'Etat. Les particuliers, le haut commerce surtout, y ont fait bâtir des maisons et de vastes magasins pour entrepôts. n'existait qu'un mauvais village de pêcheurs s'est éle- vée une ville tout entière. La rue principale de ce quartier, la rue de la Marine, traverse deux places, celle d'Orléans et celle de Nemours, décorées toutes deux d'une fontaine. Le quartier de la Planza, ainsi nommé à cause de la place entourée de maisons à balcons qui avait été construite par les Espagnols dans cette partie de la ville basse , em- brasse l'espace compris entre la Marine qu'il domine et la Vieille-Kashah par laquelle il est dominé. En 1832, ce quar- tier n'était qu'un amas de ruines abandonnées depuis le tremblement de terre survenu dans la nuit du 9 octobre 1790, qui y causa d'affreux ravages. Rpstauré aujourd'hui, il est sans contredit le plus beau de la ville , et plusieurs de ses maisons ne dépareraient pas les jolies rues de Paris. C'est que sont situés le Colysée, ou sa .e de spectacle , l'église chrétienne , construite sur les fondé .ions de l'ancienne église espagnole; l'hôpital miliiaire, de construction toute française, sur l'emplacemen l de la principale mosquée du quartier, don t on n'a conservé que le superbe minaret et les vastes bains publics qui en dépendaient ; la Marine , également de con- struction nouvelle, vaste bâtiment auquel viennent se join- dre une caserne de gendarmerie et l'hôtel de la Sous-Direc- tion de l'intérieur ; la mosquée de Sidi-el-Haouari, dont une partie, celle était le tombeau de .Sidi-el-llaouari, est ré- servée au culte , et l'autre sert de magasin au campement militaire; la place de l'Hôpital-Militjire ; enfin le cours Oudinol, planté d'arbres depuis trois ans: des cafés, des restaurants, des guinguettes s'y établissent à l'usage des promeneurs , et sa situation au centre des deux villes , au milieu des jardins, en fera bientôt une charmante prome- nade.

La Vieille-Kasbah , comme l'indique son nom, est une ancienne forteresse , entourée de hautes murailles : elle do- mine la ville, l'entrée du golfe et le raiin, et communique avec la ville par le quarli'>r de la Planza , au moyen de deux portes, dont l'une correspond à l'ancienne Voicrie, et l'autre à une rue carrossable ouverte par le génie.

La Ville-Neuve, sur la rive droite de l'Oued Ralilii, com- prend la nouvelle Ka bah ou Château-Neuf (Bo/d/'-fi-^/imar, fort llouge) , cl une rue qui, sous des noms ditTércnts, se piolonge jusqu'au fort Saint-André {Bordj elSOaliiÂia , foi t des Spahis).

Le Chàteau-Neùf est une citadelle en bon état, bien bastionnée, bien flanquée, bien armée, qui domine la ville et la mer; elle ne contient que des bâtiments militaires créés ou restaurés depuis l'occupation française , et l'an- cien palais du bey d'Oran , qui sert d'habitation au général commandant la province , aux officier» d'éiat-major et du génie.

L'ancien palais du bey était une délicieuse demeure, moin» fantastique que celui du bey de Conslanlinc , mais plus con- fortable. Le pavillon destiné au harem était un séjour aérien situé au point culminant du château , et d'où l'on jouissait

MAGASIN PITTORESQUE.

(riiiie vue rnvissantc. Le bcy, du liant de ce joli kiosque , pliuigcait SOS regards dans toutes les maisons placées sous M s pieds, et (Stciidait ainsi sur la ville entière son invi- sible surveillance. Un jardin de roses et de jasmins séparait re pavillon du corps du palais. Dans l'intcriour du palais riaient deu\ parties dislincles : l'une riiaijilalion du bcy, l'autre son palais proprement dit, oii il trônait en souverain absolu, en pailia. Une galerie couverte mettait l'une et l'aulre parlie en communication. Le génie militaire a détruit loiite la beauté do ce séjour; mais en dépoétisant ce palais réservé à un seul homme, il l'a , par coni[)ensation, trans- formé en un caravansérail, im grand nombre d'indivi- dus reçoivent l'iiospiialité.

f,a partie de la nouvelle ville en delioisdn Cliàleau-Neuf est liresquc tout entière groupée aux deux ciMés d'une longue rue, lorlneusc et rapide du pont à la place du Convernement , l:n;;e et droite de la place du Gouvernement à la jilace Vaint-André. Dans la première parlie, elle s'appelle rue l'Iiilippc ; dans la seconde, rue Naiiolénn. l'arallèlemunt .'i la rue Napoléon, du côté du rempart et dn côté du ravin , d'autres rues anciennes ou nouvelles complètent le quar- tier. On remarque en descendant cette rue : le pont, qui